Un salaire suffisant pour vivre
Un salaire décent est non seulement essentiel pour vivre dans la dignité, c’est aussi un droit humain. Ce n’est pourtant pas la réalité de nombreuses personnes des pays du Sud. Quels besoins doivent être satisfaits pour une existence digne ? Comment le salaire vital est-il calculé ? Que signifie-t-il pour les labels garantissant que nos produits sont fabriqués dans des conditions de travail dignes tout au long de la chaîne d’approvisionnement ?
Les marques doivent modifier leurs pratiques d’achats
Les syndicats de la région ont entre temps reconnu qu’une approche collective était nécessaire pour garantir des salaires décents. C’est ainsi qu’est née AFWA en 2007. L’objectif de l’alliance est de renforcer les syndicats du secteur asiatique du textile par-delà les frontières cambodgiennes au moyen de campagnes et du concept Asia Floor Wage (concept AFW). Contrairement aux salaires minimaux nationaux, l’AFW est basé sur le calcul d’un salaire décent transfrontalier en tenant compte du pouvoir d’achat dans les différents pays afin de contrer la « concurrence à la baisse des salaires » entre eux.
AFWA appelle les marques internationales à ne plus comprimer les coûts du travail, mais à progressivement combler l’écart entre le salaire minimum et le salaire de subsistance. Pour permettre des salaires plus élevés, elles doivent adapter les prix de leurs fournisseur·euse·s. En effet, sans un changement des pratiques d’achat, toute amélioration des conditions de travail sera impossible. Le concept AFW a trouvé une reconnaissance internationale ces quinze dernières années et a été loué dans le récent rapport de l’OIT sur la politique salariale.
Le concept Asia Floor Wage
Le concept AFW sert de base au calcul de salaires corrects dans le secteur du prêt-à-porter en Asie et tient compte de la situation spécifique des femmes, qui représentent la majorité de la main-d’œuvre du textile. AFWA définit le salaire décent comme la rémunération d’une semaine de travail standard (maximum 48 heures) permettant à une couturière de satisfaire à ses besoins essentiels et à ceux de sa famille. Dans les pays pauvres, les principales dépenses touchent à l’alimentation, avec comme référence une consommation de 3000 calories par jour et par personne, tandis que le contenu concret du panier alimentaire varie d’un pays à l’autre. Dans la plupart des pays, les salaires minimaux actuels ne suffisent plus que pour environ 2000 calories, si bien qu’il est tout bonnement impossible de répondre aux autres besoins essentiels de la famille, même lorsque plusieurs personnes contribuent aux revenus du ménage. Le concept AFW tient également compte du travail ménager et de prise en charge, non rémunéré et majoritairement assuré par les femmes, raison pour laquelle il prévoit que le salaire d’une travailleuse doit par exemple suffire pour deux adultes et deux enfants ou pour trois adultes. Le montant du salaire décent est estimé sur cette base ainsi qu’en fonction d’enquêtes menées par les syndicats auprès des ouvrières et ouvriers du textile.
Mieux gérer les crises
La question du salaire décent est devenue encore plus pressante pour les ouvrier·ère·s du textile depuis la crise du COVID-19. Celle-ci a en effet encore dégradé la situation de la main-d’œuvre du secteur, poussée à s’endetter faute de pouvoir se payer les biens indispensables tels que la nourriture, le logement, l’éducation et les soins de santé. Un salaire vital aurait pu empêcher ce développement et joue un rôle décisif pour permettre aux travailleuses et travailleurs de mener une vie digne et d’affronter les futures crises.