Élections en Afrique du Sud

Information sur les articles

L’Afrique du Sud a élu un nouveau gouvernement. Avant même leur tenue, ces élections étaient considérées comme les plus décisives depuis les premières élections démocratiques du pays il y a 30 ans, lorsque Nelson Mandela est devenu président. Pour la première fois, le Congrès national africain a perdu la majorité au parlement. Quelles seront les conséquences pour le plus grand mouvement politique du pays ainsi que pour les travailleuses et les travailleurs ? Nous nous sommes tourné·e·s vers Ighsaan Schroeder, directeur de l’organisation partenaire de Solidar Suisse, le Casual Workers Advice Office en Afrique du Sud.

Le téléphone sonne, en Afrique du Sud, dans le bureau de notre organisation partenaire « Casual Workers Advice Office (CWAO). Le parlement vient de confirmer la réélection de Cyril Ramaphosa en tant que président et d’annoncer le futur gouvernement de coalition. Pour la première fois dans l’histoire de la jeune démocratique sud-africaine, le Congrès national africain (ANC), qui gouverne le pays avec une majorité absolue depuis 1994, doit partager le pouvoir avec l’Alliance démocratique (AD), parti qui prône une libéralisation de l’économie.

Ighsaan Schroeder est le directeur de notre organisation partenaire CWAO. L’organisation fournit des conseils juridiques et aide les personnes employées sur une base temporaire ainsi que les travailleuses et les travailleurs précaires à s’organiser de manière collective pour défendre leurs droits. En Afrique du Sud, la classe ouvrière représente le plus grand groupe de population. Au sein du pays, plus de cinq millions de personnes travaillent dans le secteur informel. Ces personnes ne bénéficient pas de protection, de prestations sociales, et disposent rarement de conditions de travail décentes, comme celles que nous connaissons en Europe. La majorité d’entre elles appartient à la population noire, qui, même trente ans après la fin de l’apartheid, ne s’est pas remise de l’oppression étatique et n’a tiré que peu d’avantages de la jeune démocratie.

Nous avons contacté Ighsaan Schroeder afin de mieux comprendre la situation : quelles seront les conséquences du nouveau gouvernement de coalition pour la population active de l’Afrique du Sud ? Existe-t-il un espoir d’amélioration ? Si oui, à quoi cette amélioration devrait-elle ressembler pour permettre de lutter contre les inégalités extrêmes dans le pays ?

«Nous vivons des temps difficiles»

Un taux de participation le plus bas depuis 1994, un score historique faible de 40 % pour le parti de Mandela, l’ANC, et un premier gouvernement de coalition. Ighsaan Schroeder, ces élections vous ont-elles surprises ?
Je ne suis pas surpris par le résultat global. Nous sommes en contact au quotidien avec les travailleuses et les travailleurs, il était facile de connaître leur position sur la participation aux élections.

Et leur position sur les partis ?
En ce qui concerne l’ANC, leur position était assez claire : le parti a déçu depuis la transition vers la démocratie en 1994, car les inégalités au sein du pays ont augmenté. En revanche, j’ai été un peu surpris par les résultats de l’Alliance démocratique (AD), meilleurs que prévu. Une des raisons pourrait être le fait que des électeurs·ices blancs·ches de droite, qui votent habituellement pour le Freedom Front Plus, un parti d’extrême droite, ont donné leur voix à l’AD.

On peut lire partout que le gouvernement de coalition entre l’ANC et l’AD apporte l’espoir d’un renouveau en Afrique du Sud. On parle d’un gouvernement d‘union nationale.
C’est trompeur d’utiliser le terme de gouvernement d’union nationale. Il s’agit uniquement d’une coalition entre l’ANC et l’AD. La déclaration d’intention, un document qui expose les objectifs communs, les principes directeurs et la répartition des responsabilités pour gouverner, n’a été signée que par l’ANC et l’AD. Les autres partis, qui ont rejoint le gouvernement d’union nationale, n’ont pas ratifié cette déclaration. Ils disposeront de deux ou trois sièges au parlement, mais ils ne pourront pas exercer une influence significative. Je ne pense pas que la coalition fonctionnera car il n’y aura aucun changement concret dans la vie des populations. Il n’y aura pas tout à coup des salaires plus élevés ou des logements, de l’eau ou de l’électricité supplémentaires.

Comment cette coalition affectera-t-elle la population active du pays ?
Nous vivons des temps difficiles et je pense que les inégalités flagrantes en Afrique du Sud vont encore augmenter. Aucun des partis n’est progressiste, l’ANC y compris. Ce sont tous des partis de droite, engagés dans des politiques néo-libérales. Certains partis sont mêmes très conservateurs et xénophobes. Je vois là un gros problème.

Depuis 1995, la politique du marché du travail de l’ANC et la législation mise en place sont problématiques. Par exemple, sous le gouvernement de l’ANC, la précarité des formes d’emploi a augmenté. Ces dernières années, les restrictions sur le droit de grève se sont accrues. L’AD est encore pire. Le parti veut que les syndicats déposent une caution (somme d’argent) avant de pouvoir faire grève. Même les petites organisations. La plupart d’entre elles ne pourraient pas se le permettre. C’est une très lourde atteinte au droit de grève des travailleuses et des travailleurs, inscrit dans la Constitution.

L’Afrique du Sud détient le triste titre du pays le plus inégalitaire au monde. De nombreuses divisions architecturales bien connues comme les routes, les rivières et les zones non-construites, perdurent, soulignant les écarts entre riches et pauvres. Une séparation particulièrement visible entre le Township de Masiphumelele et le Lake Michelle, une zone résidentielle prospère.

Information sur les articles

Commentaires

Voir 0 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut de page