Le Conseil fédéral a pris aujourd'hui sa décision, attendue depuis des mois, au sujet de l'aide à l'Ukraine : 5 milliards de francs doivent y être consacrés au cours des douze prochaines années. Il passe toutefois sous silence le fait que la coopération au développement de la Suisse, qui a fait ses preuves, est ainsi frappée de plein fouet. En effet, à partir de 2025, l'Ukraine recevrait plus de moyens que tous les programmes bilatéraux de la DDC en Afrique subsaharienne.

Nul ne conteste que des ressources substantielles seront nécessaires pour la reconstruction de l’Ukraine et que la Suisse doit, elle aussi, apporter une contribution financière significative à l’aide humanitaire et à la reconstruction. Selon le Conseil fédéral, jusqu’en 2028 l’aide à l’Ukraine à hauteur de 1.5 milliard de francs devrait être financée à 100% à partir du budget de la coopération internationale ; c’est totalement inacceptable. De plus, le financement des 3.5 milliards restants n’a pas encore été clarifié. Là aussi, il y a un risque que cela soit entièrement à la charge de la coopération internationale.

Le Conseil fédéral fait fi de la consultation

75% des réponses à la consultation sur la stratégie de coopération internationale (CI) 2025-2028 demandent que l’aide à l’Ukraine ne se fasse pas au détriment d’autres régions et priorités de la CI, comme l’Afrique subsaharienne ou le Moyen-Orient. 5 partis politiques sur 7 (Le Centre en termes très clairs) et 9 cantons sont de cet avis. Seuls 3 des 215 participants à la consultation se déclarent explicitement favorables à ce que l’aide à l’Ukraine se fasse sur le dos de la CI (24% ne se sont pas prononcés sur le sujet). De même, la Commission consultative de la coopération internationale du Conseil fédéral a exprimé son opposition à un financement de l’Ukraine aux dépens des plus démunis. S’en tenir au milliard et demi du budget 2025-2028 de la CI pour le financement de l’Ukraine équivaut donc à faire totalement fi des résultats de la consultation.

Le Parlement doit respecter la volonté du peuple

Désormais, seul le Parlement peut corriger la décision erronée du Conseil fédéral. Il délibérera et adoptera la stratégie de coopération internationale 2025-2028 lors des sessions d’automne et d’hiver. « Il convient d’éviter que la coopération au développement de la Suisse, qui a fait ses preuves, soit frappée de plein fouet », déclare Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, le centre de compétences pour la coopération internationale et la politique de développement. Le Parlement respecterait ainsi la volonté du peuple qui, selon un sondage du Centre pour le développement et la coopération de l’EPFZ (NADEL), souhaite miser davantage sur la coopération au développement que sur l’armée. Conformément à l’étude « Sécurité 2024 » de l’EPFZ, même au centre de l’échiquier politique, une nette majorité des personnes interrogées est favorable à un renforcement des moyens alloués au Sud global.

En contradiction avec la loi fédérale

« Le Conseil fédéral veut prélever cinq milliards de francs du budget prévu pour la coopération internationale (CI) afin de reconstruire l’Ukraine d’ici 2036, allant ainsi à l’encontre de la législation fédérale », déclare Felix Ghnem, directeur de Solidar Suisse. « Les régions les plus pauvres doivent être soutenues en priorité. Pourtant, avec cette décision scandaleuse du 10 avril, la Suisse laisse notamment tomber les pays d’Afrique. La reconstruction de l’Ukraine, urgente et nécessaire, ne doit en aucun cas se faire au détriment de la coopération au développement et d’une lutte efficace contre la pauvreté. Cela conduirait à une réduction sans précédent des programmes et, en fin de compte, à davantage d’inégalités, de guerres et de catastrophes climatiques. »

Pour de plus amples informations :

Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud, tél. 031 390 93 30, andreas.missbach@alliancesud.ch

Retour en haut de page