Le nickel est un composant essentiel dans la production de véhicules électriques (VE). L’Union européenne a adopté une loi sur les matières premières critiques (CRMA), et l’Indonésie souhaite exploiter ses ressources naturelles pour se positionner comme leader sur le marché croissant des VE. La loi CRMA vise à garantir à l’UE un accès sûr aux minéraux essentiels. L’étude de cas met en lumière les défis auxquels les travailleurs·euses de l’industrie du nickel en Indonésie sont confronté·e·s en raison d’une demande croissante de ce matériau.

Les aspects techniques, environnementaux, sociaux et politiques dans le cadre de la coopération internationale entre les économies et émergentes et établies sont au centre de cette étude. L’offre et la demande de matières premières pour le marché des véhicules électriques, comme le nickel, pourraient avoir une influence sur le développement futur de pays comme l’Indonésie. En outre, il existe un risque que les violations des droits humains et des droits du travail dans ce secteur aggravent les tensions géopolitiques et aient un impact sur l’industrie minière en Indonésie. L’étude interroge donc le rôle de l’Indonésie dans ce contexte géopolitique, les responsabilités partagées et les mesures nécessaires pour garantir des conditions de travail et de vie digne pour les travailleuses et les travailleurs du secteur ainsi que pour leurs communautés.

L’augmentation de la demande de minéraux essentiels comme le cuivre, le lithium et le nickel, indispensables à la transition énergétique, rend nécessaire une discussion sur les impératifs économiques et la responsabilité écologique et sociale qui en découlent. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et parvenir à des émissions nettes nulles de gaz à effet de serre d’ici 2050, environ 3 milliards de tonnes de minéraux et de métaux seront nécessaires. Des investissements estimés à 1,7 trillion de dollars dans le secteur minier mondial devraient être réalisés. Ces chiffres soulignent le rôle capital que joue ce secteur dans le progrès économique, en particulier dans les pays plus pauvres riches en gisements minéraux. Compte tenu de la demande croissante, il n’est pas surprenant que l’industrie soit confrontée à des défis sociaux et politiques.

Le besoin mondial en nickel, composant central pour les batteries des véhicules électriques, devrait passer de 2,5 millions à 3,4 millions de tonnes. L’offre ne pourra pas répondre à la demande, ce qui entraînera un écart croissant entre les besoins et les ressources disponibles. Par conséquent, de nouveaux gisements devront être exploités et la concurrence pour les ressources en nickel s’intensifiera. En tant que première productrice mondiale de ce métal, l’Indonésie s’est positionnée de manière stratégique comme une actrice majeure sur le marché mondial des batteries pour véhicules électriques. Avec ses vastes réserves et un gouvernement désireux de maximiser le potentiel du secteur, l’industrie indonésienne du nickel jouera un rôle-clé dans la transition mondiale vers les énergies renouvelables.

Dépendance envers les partenaires internationaux

L’aspiration de l’Indonésie à exploiter ses ressources minérales entraîne une augmentation des tensions avec ses partenaires commerciaux internationaux, qui dépendent d’un accès libre aux ressources indonésiennes. La relation entre l’Union européenne et l’Indonésie est un exemple révélateur. La loi européenne sur les matières premières critiques (CRMA), entrée en vigueur en mars 2023, joue un rôle essentiel pour atteindre les objectifs climatiques et de numérisation de l’Union européenne d’ici à 2023. Elle a pour objectif de réduire la dépendance envers certains pays pour l’importation de minéraux comme le lithium, le cobalt et le nickel, à encourager la production locale et le recyclage et à renforcer ainsi l’autonomie stratégique de l’UE. Ces mesures ont également un impact sur le commerce avec l’Indonésie.

L’expansion rapide du secteur minier du nickel en Indonésie a de grandes répercussions sur les travailleuses et les travailleurs ainsi que leurs communautés. La destruction de l’environnement, la déforestation, la pollution engendrée par les déchets toxiques et la dépendance au charbon pour les fonderies nuisent à la santé des habitantes et des habitants et les exposent à des conditions dangereuses. La nature exigeante de l’industrie et la demande croissante en nickel engendrent des conditions de travail abusives : les journées de travail sont trop longues et les mesures de sécurité insuffisantes. En raison de leur dépendance économique à ce secteur instable, les moyens de subsistance des travailleuses et des travailleurs et de leurs communautés sont également tributaires des fluctuations du marché mondial.

Pour promouvoir une transition juste en Indonésie et assurer le bien-être des travailleurs·euses et de leurs communautés face à ces défis, une approche collaborative est nécessaire. Elle devra englober la coopération internationale, la régulation gouvernementale, l’adoption de pratiques équitables par l’industrie et la participation active des communautés. Les ressources permettant une transition énergétique doivent être exploitées en garantissant une responsabilité au niveau social et le respect de l’environnement. Une réflexion approfondie des modèles d’ « extractivisme » devrait également être menée sur la manière dont l’explosion de la demande mondiale de nickel a conduit des entreprises de traitement de ce matériau à négliger les droits des travailleurs·euses et des communautés, si vulnérables qu’ils et elles n’ont d’autre choix que de subir cette exploitation.

Recommandations d’Inkrispena

Inkrispena est une organisation basée sur la recherche, qui se consacre au développement, au renforcement et à la promotion de la représentation politique des travailleurs·euses. Elle a joué un rôle majeur dans l’élaboration de l’étude et a formulé les recommandations suivantes pour la protection des travailleuses et des travailleurs de l’industrie du nickel :

Recommandations régionales :

1. Droit des travailleurs·euses migrant·e·s : protéger les droits de tous·tes les travailleurs·euses migrant·e·s et garantir des pratiques de travail équitables.
2. Stratégies économiques nationales : promouvoir un développement régional durable comprenant des stratégies des États contrôlées pour gérer l’économie du nickel et promouvoir un développement régional durable.

Recommandations nationales 

1. Normes de sécurité et environnementales : améliorer les protocoles de sécurité, établir des normes environnementales strictes et instaurer un dialogue entre les différentes parties concernées.
2. Cohérence politique : aborder les incohérences dans les lois nationales, telles que la loi Omnibus, pour minimiser les risques sociaux et environnementaux.
3. Diversifier et stabiliser l’industrie : encourager la recherche et le développement pour des utilisations alternatives du nickel et renforcer la résilience face aux fluctuations du marché.
4. Débats sur la transition équitable et la justice minérale : soutenir les discussions publiques et académiques et intégrer ces concepts dans les politiques.

Recommandations internationales

• Politique commerciale et investissements : l’Union européenne devrait promouvoir les investissements, diversifier les chaînes d’approvisionnement et faciliter l’accès aux technologies renouvelables.
• Transition juste : l’Union européenne devrait encourager le développement durable et l’utilisation équitable des ressources en collaboration avec des pays à faible revenu comme l’Indonésie.
• Développement des capacités : fournir un soutien technique, des programmes de formation et des échanges de connaissances pour promouvoir les avancées technologiques et le respect des normes environnementales et de travail en Indonésie.