Klaus Thieme : Mikael Leyi, pouvez-vous nous présenter le réseau SOLIDAR ?
Mikael Leyi : SOLIDAR est un réseau européen et mondial d’organisations de la société civile œuvrant pour la justice sociale en Europe et dans le monde. Il représente plus de 50 organisations membres basées dans 29 pays (dont 22 pays de l’UE). Ce qui nous unit, ce sont nos valeurs communes : solidarité, égalité et inclusivité.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Nous sommes impliqués dans trois domaines thématiques : “Ensemble pour une Europe sociale”, “Construire des sociétés apprenantes” et “Organiser la solidarité internationale”. Grâce à un lobbying actif, nous représentons les revendications de nos organisations membres – par exemple, vis-à-vis de l’UE et d’autres institutions internationales. À cette fin, nous travaillons au suivi de divers domaines politiques et contribuons à la sensibilisation politique. Nous disposons d’un bon réseau au niveau européen et collaborons avec des associations, des organisations du mouvement syndical et des partis progressistes.

Tout comme SOLIDAR, nous luttons à Solidar Suisse pour des changements vers un mode de vie et de production plus social, démocratique et durable. C’est pourquoi nous sommes très préoccupés par la crise climatique : les conditions de vie sont menacées dans le monde entier.
Et comment! L’année 2020 a été une autre année record en matière de changement climatique. Elle a été l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées. Nous observons de plus en plus de phénomènes météorologiques extrêmes, tels que des incendies, des inondations généralisées ou de graves sécheresses, partout dans le monde. Le plus souvent, les personnes marginalisées et pauvres sont touchées de manière disproportionnée par la crise climatique et environnementale, alors qu’elles y contribuent le moins.

Que faut-il faire ?
Pour faire face à l’urgence climatique et environnementale, il est urgent de procéder à des changements structurels dans nos économies. J’entends par là la façon dont nous vivons, produisons, consommons, voyageons et travaillons. Toutefois, nous devons veiller à ce que cette transformation soit gérée de manière à ne pas exacerber les inégalités sociales et à ne pas reporter les coûts sur les plus pauvres. Dans la lutte contre le changement climatique, la justice sociale est indispensable.

Comment combiner justice écologique et justice sociale ?
Contrairement à une idée reçue, la transformation écologique n’est pas incompatible avec les objectifs sociaux. En fait, il est urgent que ces deux objectifs soient réunis. Les mesures climatiques et environnementales offrent des opportunités de développement et d’innovation, de renforcement de l’économie local, etc. Pour cela, les pays les plus développés et les entreprises les plus riches doivent assumer la responsabilité de leur impact disproportionné sur le changement climatique mondial.

Parce que le temps presse…
S’attaquer maintenant à la crise environnementale peut contribuer à créer un monde plus égalitaire, plus résilient, plus prospère et plus florissant pour toutes et tous. Le réchauffement climatique est en cours – que nous le voulions ou non – son ampleur et sa gravité dépendront de ce que nous faisons aujourd’hui.

Que signifie le terme de “transition juste” ?
Le terme “transition juste” a été inventé par le mouvement syndical international et a été utilisé pour la première fois pour définir la conciliation entre la nécessité de protéger l’environnement et la garantie d’emplois décents pour les travailleurs et travailleuses. L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié des directives de mise en œuvre à ce sujet et est devenue l’un des principaux défenseurs de ce concept.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour SOLIDAR et les membres de son réseau ?
Pour nous, agir pour un changement juste signifie lier et faire avancer conjointement les agendas sociaux et environnementaux. Nous définissons une “transition socialement juste” comme une garantie que les droits et les besoins des communautés affectées soient pris en compte dans tous les processus d’adaptation à l’avenir. Pour ce faire, les objectifs sociaux et environnementaux doivent être considérés comme égaux et se renforcer mutuellement.

Les climato-sceptiques populistes gagnent du terrain – dans le monde entier. En Suisse aussi, l’UDC a réussi à freiner la taxation du CO2 avec des arguments sociaux fallacieux. Que pouvons-nous faire pour contrer cela ?
Les mouvements sociaux, les organisations de la société civile et les syndicats sont à la pointe du combat pour un monde juste, inclusif et durable. Toutes les initiatives, les petits et grands projets, tous les “repair cafés” et les nouveaux modes de vie durables sont fondamentaux. Mais ils ne peuvent à eux seuls accomplir la tâche de garantir une transition verte réussie et juste.

Que manque-t-il ?
Les puissants ne nous écoutent pas assez. C’est pourquoi tous les acteurs et actrices – des individus aux partis politiques – doivent se réunir et parler d’une seule voix. Cela doit se faire à tous les niveaux – local, national, européen, voire mondial. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons atteindre un avenir durable qui ne laissera personne de côté. Le moment est venu pour les décideurs et décideuses du monde entier de créer les conditions pour une participation active de la société civile. L’avenir de nos sociétés en dépend.

Quelles sont les prochaines étapes ?
Avec d’autres grands réseaux européens, nous venons de lancer l’Alliance européenne pour une transition juste. Nous appelons maintenant les institutions de l’Union européenne, les gouvernements nationaux et les administrations et autorités locales à agir pour permettre une transition juste pour toutes et tous. Cela commence par la participation, par le dialogue de la société civile avec toutes les parties prenantes. Et par la pression politique dans les rues, dans les parlements et les institutions internationales.